Bureau du Pr. Kendrick

Je m'affale dans mon fauteuil tandis que sur l'écran face à moi s'ouvre un énième des mails "de la plus haute importance" que j'ai reçu aujourd'hui.
Je me masse quelques secondes les tempes, puis rouvre les yeux, et me penche vers mon écran.

Fondation SCP ─ Intranet FR

Connexion sécurisée établie : Boite mail du Pr. Kendrick

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DE : sd.png
Pr. Clarence Nephandi
Âge : 35 ans
Chercheur de niveau 3
Spé : Biologie cellulaire
Pr. Clarence Nephandi
| LE : À ██ : ██ ██/██/████ | À : admin.png
Pr. Kendrick
Âge : ██ ans
Archiviste de niveau 3
Spé : GDI IC
Pr. Kendrick █████████

SUJET : /!\ Important : Ordinateurs manquants /!\

Bonjour Pr. Kendrick

J'ai constaté qu'il manquait 10 ordinateurs dans les locaux du Site-Samech : vous n'êtes pas sans savoir que suite aux dernières rénovations nous avons commandé 63 ordinateurs, or seuls 53 sont arrivés sur le Site (à moins que les 10 manquants ne soient utilisés ailleurs ?). Je pense que ce n'est pas trop grave mais vous m'avez dit de m’adresser à vous si je trouvais la moindre anomalie sur Samech, donc j'informe.

J'anime une conférence sur Samech demain, je t'invite à passer à la fin si tu as quelque chose à me dire, on ira boire un café. Dans le cas contraire, je ne suis pas pour autant opposé au café ou à un Cornetto.

À demain.


Je relis une seconde fois le mail.
Outre le fait qu'une glace ou un café ne serait pas de refus, je devrais prendre quelques mesures de sécurité supplémentaires.
Déjà, prévenir le Pr. Julie Vein pour qu'elle s'occupe de modifier ça, et ensuite préparer tout ce qu'il faut pour amnésier Clarence et lui faire le débriefing réglementaire.
Je me saisis de ma souris et de mon clavier, et rédige un nouveau mail, à l'attention de Julie, qui doit s'occuper de la désinformation et de la couverture.
Juste avant l'envoi, je relis une dernière fois mon texte.

Salutation Doyen.

L'Ermite a trouvé de nouveau une imperfection dans notre muraille : une erreur dans le compte des ordinateurs arrivés au village : il s'agit certainement d'un oubli.
Le registre du compte est envoyé avec ce mail, je te laisse corriger ce registre, je vais pour ma part passer pour discuter un peu de nos vieux souvenirs d'enfance avec lui, afin de savoir si il a oublié ces moments.
Je te préviens une fois cela fait, il est en voyage jusqu'à 15h, ça sera terminé dans la soirée.

Bonne journée.

Salutation Pr Vein (Spécialiste en désinformation de l'opération Fruit d'hiver.)
Le Pr. Nephandi a trouvé une nouvelle faille dans notre couverture : une erreur de modification des registres du site.
J'envoie le registre en pièce jointe, il faut que tu corriges le registre. Je vais m'occuper d'entrer en contact avec Clarence afin de savoir si il faut l'amnésier ou juste prétexter une faute de frappe.
Je te tiens au courant, il est en conférence jusqu'à 15h, ça devrait être fini avant ce soir.
Bonne journée.
Ça fera l'affaire.

La mémoire parfaite et la perspicacité de Clarence Nephandi en font quelqu'un de très efficace dès qu'il s'agit de vérifier à son insu la solidité d'un protocole de dissimulation d'informations ou de repérer un oubli dans un dossier… Et il a en plus comme qualité d'être coopératif, ce qui est une aubaine, vu le nombre de problèmes qu'il aurait causé sinon.
À côté du fait qu'il ignore occuper un poste à temps partiel dans une opération confidentielle, Clarence m'a toujours intrigué. Je me méfie assez naturellement des gens qui sont trop curieux, mais il s'est révélé être quelqu'un de très plaisant quand on prend le temps de boire un café et de manger une glace autour d'un jeu d'échec avec lui.
Il passe sur Samech assez souvent pour animer des conférences et quelques cours, et discuter ensemble au détour d'une pause est devenu une habitude qui nous a très vite rapprochés.

Bon, je dois pas non plus trop tarder.
Je connecte mon PC à la vidéosurveillance de la salle de conférence où il fait son cours, monte le son de mon ordinateur, et regarde un peu.
De toute façon, une petite pause après une matinée de travail éreintante, ça a jamais tué personne.

" - …et naturellement, la question qui se pose de fait est : comment un effet mémétique anormal intervient-il sur la mémoire ? Je ne vais pas développer trop loin cette question, étant donné que personne aujourd'hui n'est en mesure de fournir une réponse définitive, mais…
- Excusez-moi ?
- Oui ?
- Vous avez bien dit "effet mémétique anormal" ?
- En effet, pourquoi ?
- Est-ce que cela implique qu'un effet mémétique n'est pas systématiquement anormal ?
- Tout à fait. Les effets mémétiques sont parfaitement naturels chez l'humain : il s'agit chez un individu de l'association réflexe d'un stimulus à une idée, du fait des connaissances et habitudes culturelles de cet individu. Par exemple, si l'alarme XK résonnait à cet instant, vous feriez une association entre ce son, le stimulus, et un danger, qui est donc l’idée. Et vous feriez cette association du fait de vos connaissances et habitudes, car on vous a appris la signification de cette alarme.
Ce qui différencie un effet anormal d'un effet normal, c'est donc que l'effet anormal vous affecte sans…"

Et l'Alarme sonna.



Je m'interromps au milieu d'une phrase, le temps d'une seconde, en essayant d'identifier ce bruit. Ce n'est pas la sonnerie de fin des cours, aucun exercice n'est prévu aujourd'hui… et d'ailleurs cette sirène n'est jamais utilisée pendant les exercices. Ce qui est en train de retentir dans tout le site, c'est ni plus ni moins que le chant de la fin du monde.
Alors que n'importe qui paniquerait en entendant le bruit strident de l'alarme XK, je me sens revigoré par la sensation de l'adrénaline dans mes veines. Mon éternelle fatigue, fardeau de toujours et contrecoup de ma mémoire fabuleuse, laisse la place à la concentration et mon cerveau se met à tourner à une vitesse folle : l'avantage d'être sur le Site-Samech c'est qu'on n'y trouve aucun SCP dangereux, ce qui assure une certaine sécurité, même en cas de scénario XK. Tout juste ce qu'il faut pour que les gens contrôlent un minimum leur panique. Étant donnée la distance entre Samech et Aleph, nous avons environ une heure avant que les monstres les plus rapides stockés là-bas arrivent ici, à supposer qu'ils viennent droit sur nous. Les chances qu'une créature se téléporte sont quasi-nulles, nous avons donc le temps d'évacuer calmement vers le bunker le plus proche… Le bunker 1 donc. Bulldog, le chef de la sécurité du Site-Samech, va arriver dans une minute pour encadrer les élèves. Je lance les consignes de sécurité en cas d'évacuation :
- Gardez votre calme ! Dirigez-vous vers le Bunker 1, sans courir ! N'emportez que le strict minimum !

Manifestement, ils n'ont pas saisi la gravité de la situation. Certains discutent en riant, d'autres chantonnent, d'autres encore emportent leurs sacs malgré les consignes de sécurité. Je jette un regard en arrière avant de quitter la salle, afin de m'assurer que personne n'est resté derrière, puis je ferme. C'est à ce moment-là que l'agent Koop sort de la salle des gardes, précédé de son chien Kalach et armé de son fidèle AKM. On échange un bref signe de tête, avant de se diriger vers le bunker. La joie ambiante se change en panique au fur et à mesure que les étudiants comprennent que ce n'est pas un exercice. Mes exhortations au calme se perdent dans le chaos de la foule, qui n'est plus contrôlée que par le respect qu'inspirent les armes des gardes. Et encore.

Bulldog ouvre la porte blindée, dans laquelle les étudiants s'engouffrent comme si 682 était à leurs trousses. J'attends que leur flot s'atténue un peu, puis entre à mon tour. Les gardes traversent l'ouverture en dernier et commencent à compter les personnes présentes.
Une fois dans le bunker, on regarde qui est là, on cherche les absents… dix longues minutes s'écoulent encore, marquées uniquement par des bruits de conversations inquiètes et de course lorsqu'un retardataire déboule affolé dans la pièce. Arrivent finalement Tara Lucy et Alyssan, qui se fondent rapidement dans la foule sans un mot. Cinq autres minutes passent, il manque toujours Kendrick, Ordo, et quelques autres. Finalement, au moment où Bulldog décide de fermer la porte, on aperçoit une ombre surgir du couloir. Je reconnais le Pr. Kendrick, visiblement en train de traîner le corps d'Ordo Tempestovitch. Les agents Curt et Led sortent du bunker pour l'aider, puis la porte se ferme enfin.



J'entends l'alarme sonner.

Cette tonalité…
Pour que votre oreille reçoive un son, le transmette au cerveau, que ce dernier relie ce son à une possible signification déjà pré-établie, et que vous réagissiez en conséquence, il faut une certaine durée, que je ne connais pas, cependant, je suis quasiment sûr que les trois secondes que j'ai mises étaient excessives.

J'ai d'abord eu une réaction de la plus grande stupidité : Fermer les fenêtres de mon ordinateur, aller dans le menu démarrer, et cliquer sur arrêter.
Puis, j'ai réagi comme le ferait tout bon agent formé pour suivre une procédure spéciale en cas d'apocalypse.
J'ai inondé l'unité centrale de mon ordinateur avant de la balancer par la fenêtre.
Les données s'y trouvant ont été verrouillées à la seconde où l'alarme a sonné, il s'agissait juste de détruire l'accès aux bases de données que mon poste m'offre.
Tous les pros vous le diront : les procédures sont des pertes de temps, les meilleures méthodes sont celles que vous ne trouverez jamais écrites dans vos guides.

Ensuite, j'ai attrapé mon mug sur mon bureau, j'ai glissé mon taser dans ma poche, à côté de mon paquet de cartes, et j'ai ouvert le tiroir contenant la chose la plus insupportable jamais créée : ma montre.
Le "trou du cul, bouge-toi" de sa part me confirma qu'il était aussi content de me voir que moi de le voir.
En réalité, je ne l'avouerai jamais, mais je l'aime bien, et c'est réciproque, on adore juste se taquiner. On est suffisamment proches pour se permettre ces chamailleries, cette montre ayant servi à des fins psychologiques lors d'une période compliquée de ma vie où je…
Et je digresse, encore. [Bordel Ken, reprends-toi !]

Je récupère aussi quelques papiers plus ou moins importants, et fourre tout ça dans une mallette en cuir, pour ensuite me lever et me diriger vers mon armoire cachant un passage secret, dévoilé lorsqu'on la pousse.
Pas de faux livre à tirer, ou de mécanisme caché, on a juste foutu un truc devant la porte.
Je la dégage donc d'un coup de pied, et pousse la cache secrète menant à l'ancien bunker 3, aujourd'hui officiellement désaffecté, officieusement réhabilité pour l'opération Fruit d'hiver.

Dedans, des bureaux, du matériel informatique, un coin médical, des chiottes, une cuisine…
Bref, tout ce qu'il faut pour vivre en circuit fermé si nécessaire. Mais l'heure n'est plus aux badineries, il faut agir.
Tara est à l'intérieur, son bureau y étant lui aussi relié par une porte secrète.
Je lui lance simplement :
- Va t'occuper d'Alyssan et des autres, allez vous mettre en sécurité dans le bunker, je m'occupe du reste.
Elle hoche la tête, et quitte les lieux.

Cette fois, je lance les protocoles de sécurité sur les ordinateurs, je récupère aussi les deux tasers posés sur la table centrale, on ne sait jamais.
Je dévisse le bidon quasiment plein du distributeur d'eau et le fourre dans un grand sac à dos, avec quelques blouses et vêtements.
En parlant de blouse, les poches de la mienne sont toujours remplies d'objets en tous genres, notamment des lentilles, teintures et brosses à cheveux.

Mais là, un inventaire rapide du bordel que je trimballe me donne l'impression d'être sur-équipé : deux mallettes, l'une contenant du matériel varié et l'autre des papiers confidentiels, un sac à dos avec eau et vêtements, et ma blouse à bazar, éternel repaire d'une tonne de bidules à utilité discutable.

Je vois une boite d'amnésiques de classe-D traîner sur la table du coin médical, hésite quelques secondes, puis m'en saisis et la fourre dans ma poche..
Mon inséparable montre parlante fait ce qu'elle sait faire de mieux : me faire chier.
- Tu sais que t'as pas le droit de faire ça ? me lance-t-elle.
- Et ? C'est la fin du monde, j'ai le droit d'avoir des médocs, c'est un cas particulier. Rétorqué-je.
- Non, même en cas de ZK tu n'aurais pas droit à ça.
- Roh ta gueule.
- Comme tu veux, mais tu regretteras ça plus tard, tu le sais ?
- Sois utile, ça fait combien de temps que ça sonne ?
- Une quinzaine de minutes, tu peux compter encore cinq minutes avant de te faire jarter du bunker, et donc accessoirement, du monde des vivants.
- OK, je file.

Je me dirige donc vers la sortie, en prenant le soin de refermer derrière moi les portes.
- Tu me rappelleras d'envoyer la caravane ici lors des sorties s'il te plaît ?
- Comme d'hab, tu peux compter sur moi.
La caravane était le nom donné aux quatre agents de l'opération Fruit d'hiver, qui faisaient le ménage derrière nous assez souvent.

Tandis que je marche rapidement dans le couloir, un grognement provenant des toilettes des hommes parvient à mes oreilles.
Je jette rapidement un œil, et vois Ordo, la tête dans l'urinoir, en train de finir sa nuit et de décuver.
Je ne réfléchis que très peu avant de balancer ma valise au sujet de Fruit d'hiver en direction du bureau. la caravane s'en chargera.
Sacrifier des informations de la plus haute importance pour un pote bourré était-il le bon choix ?
Absolument pas.
Si je devais le refaire, je choisirais l'autre option ?
Pour rien au monde je ne lâcherais un pote, et encore moins mon plus grand compagnon de cuite.

Je fonce dans les toilettes, j'attrape Ordo sous le bras, et on marche ensemble vers le bunker.
Enfin "marcher ensemble", il faut le dire vite, j'ai plus l'impression de le guider et de le faire tenir debout.
On tourne au couloir, et je vois enfin la porte du bunker, avec Bulldog qui nous fait signe de nous bouger le cul.
Je crois qu'il allait fermer la porte au moment où on est arrivés.
Et c'est bien sûr au tournant du couloir qu'Ordo devait décider que marcher n'était pas nécessaire.
Il s'écroule, et je me retrouve à le traîner sur les dix derniers mètres, aidé par deux agents que je connais bien et qui sont sortis pour venir me prêter main forte.

On est enfin en sécurité, tandis qu'ils ferment la porte derrière nous, après une derrière vérification dans l'espoir que les absents et/ou retardataires rappliquent.
J'ai à peine le temps de souffler avant qu'Alyssan me tombe dans la bras.
Je l'enlace, et lui murmure quelques phrases rassurantes et lui explique ce qui va arriver dans les instants qui suivent, puis je me tourne vers le fameux Nephandiator 3000 : il était temps qu'on ait cette discussion.

Je fais un signe à Tara, qui se désintéresse de Sempras instantanément, et je hoche la tête à l'attention des quatre agents qui encadrent l'opération Fruit d'hiver.
À six, ils formeront une barrière humaine suffisante pour que je puisse, à condition de ne pas crier, parler plus ou moins librement à Clarence.
Je m'approche de Nephandi, entouré de mon "escouade". Je lui dis d'un ton qui n'admet pas de refus :
- Votre proposition pour un café tient toujours.



Il me tend une tasse de café noir, très serré.
- Il est sans sucre, j’espère.
- Toujours, mon cher Clarence.

Je le regarde droit dans les yeux. Le Pr. Kendrick est la quatre-vingt-quatrième personne que j'ai rencontré depuis ma sortie du coma, date avant laquelle ma vie n'est pour moi qu'une biographie inscrite sur un dossier personnel caché au fin fond des archives de la Fondation SCP puisque je n'en garde aucun souvenir. Cet archiviste est rapidement devenu un ami loyal et c'est toujours un plaisir de discuter avec lui. Même quand il se pointe avec toute une escouade au milieu d'un bunker comme un négociateur de la police pendant une prise d'otage. Je jette un bref regard sur les six personnes qui m'entourent et poursuis.
- Je suis en état d'arrestation pour vol d'ordinateurs ?
- Pas tout à fait. Vous vous souvenez des neuf procédures spéciales mises en place avec vous ces deux dernières années ?
- Oui.
- Elles consistent à infiltrer l'Agent-Professeur Tara Lucy dans les hautes sphères de l'Insurrection du Chaos. Et ça a marché au delà de nos espérances. Ils l'ont renvoyée en tant qu'agent double dans les rangs de la Fondation dans l'espoir qu'elle puisse enrôler de futurs insurgés. Vous avez intégré ce projet à votre insu : votre rôle était celui du cobaye. Vous ne deviez pas pouvoir découvrir l'existence du projet. Et chaque soupçon ou hésitation, chaque rapport de votre part provoquait la mise en place de contre-mesures complémentaires incluant l'effacement de votre mémoire.
- Et donc ça fait deux ans que je devrais réclamer une augmentation ?
Il sourit devant ma maigre tentative de détendre l’atmosphère.
- C'est vous qui n'avez jamais demandé. Les quatre agents ici présents sont chargés d'assurer notre sécurité et s'occupent de la partie interventionnelle de l'opération. J'ai pour ma part tout coordonné depuis le début. Notre système est auto-suffisant, nous avons notre médecin, notre désinformateur, et même une base opérationnelle dans le Site-Samech. Et vous vous êtes trompé, elle est bien sur la carte.
Il me laisse quelques secondes de réflexion, ce qui permet à une intuition de jaillir dans ma tête.
- Le bunker 3 désaffecté ?
- Exactement. En temps normal je devrais vous bourrer d'amnésiques, mais vu la situation je préfère que vous soyez réellement intégré à l'équipe à partir de maintenant. Félicitations pour votre promotion, et à votre santé.

Il tend sa tasse, nous trinquons, puis buvons. Petit moment d'insouciance au milieu de tout ce bordel.

Les trois semaines suivantes se passent dans une tension presque insupportable. L'adrénaline retombant au bout de quelques heures, je m'effondre dans un état d'épuisement permanent et passe le plus clair de mon temps à dormir. En principe j'aurais droit à trois amnésiques par jour, mais à ce rythme je ne tiendrais pas une semaine, aussi je décide de faire avec. Chaque jour ou presque, Tara et Sempras se mettent à se hurler l'un sur l'autre. Moi qui ai toujours su les calmer, j'échoue plusieurs fois à faire baisser le ton, forçant Bulldog à intervenir. Puis le message des O5. Un message d'abord réconfortant, promettant un nouvel espoir si nous parvenons à rejoindre Moscou en vie. Suivi d'un autre, probablement destiné à nous seuls, indiquant qu'un des morceaux de l'objet que nous cherchons est stocké en secret sur Samech. Je jette un regard en coin à Kendrick, Bulldog et Alyssan : si quelqu'un dans ce bunker le savait c'est forcément l'un d'eux. Au vu de leur surprise, ils viennent de découvrir en même temps que moi que le Site de formation Samech cachait un Thaumiel.

3 jours passent encore, le message qui avait ramené l'espoir devient peu à peu le leitmotiv d'une sorte de marche funèbre qui sonne et résonne contre les murs du bunker, perdant tout sens et toute logique. Finalement, Bulldog décide de rouvrir la porte blindée qui mène à l’extérieur. Kendrick a donné l'ordre à ses agents - nos agents - de se mêler au groupe afin d'aller détruire les données qui concernent l'ouvrier dans le bunker pas-si-désaffecté 3. Ce sont donc treize soldats qui partent dans les couloirs silencieux du site, pendant que nous restons ici en attendant. J'entends Bulldog dire d'une voix neutre mais sans appel : "Si nous ne sommes pas revenus dans une heure, considérez-nous comme morts. Et vous aussi par la même occasion." Je tente de détourner mon esprit de mes sombres pensées en me récitant en boucle les instructions et procédures à suivre : garder un Classe-D avec soi pour qu'il serve de sujet de quarantaine et d’éclaireur… Mais il n'y a jamais eu de Classe-D sur le Site Samech. Former le personnel non-combattant au maniement des armes… C'est fait, autant que possible dans un espace clôt en tout cas.
Je fixe Cadran, la montre de Kendrick. Le tic-tac de ses aiguilles semble égrener le décompte funeste du temps qu'il nous reste à vivre.
C'est une sensation étrange de penser à la mort comme éventualité possible et même probable d'un futur proche. Dans une heure, soit nous serons dehors en route vers Moscou, soit nous serons tous morts. Non, pas une heure… seulement 58 minutes.





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